Être juriste et travailler avec la Russie : témoignage (février 2021)

Compte rendu de la conférence-témoignage de Maître Khashimov-Fara

En février dernier, les élèves de russe de Terminale ont eu la chance d’entendre le témoignage(1) de Me Laurence Khashimov-Fara, avocate en droit des affaires et des nouvelles technologies exerçant actuellement à Marseille. Russophone, elle a travaillé pendant dix années en Russie et dans d’autres pays de l’ex-espace soviétique (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Tadjikistan, Kirghizstan, Arménie, Moldavie) et conserve toujours un lien avec ce pays dans son travail et en tant que présidente du Club d’Affaires Provence-Russie-CEI(2). Nous la remercions d’avoir accepté de partager son expérience professionnelle avec des lycéens étudiant de russe. Ce compte rendu reprend les idées principales ressorties du témoignage de Me Khashimov-Fara et des échanges qui ont suivi à partir des questions posées par les auditeurs. Nous y avons ajouté quelques informations complémentaires sous forme de notes.

D’origine russo-polonaise lointaine et germaniste au lycée, c’est seulement à l’âge de 15 ans que Laurence Khashimov-Fara a eu le désir d’apprendre le russe, après avoir lu le roman de Léon Tolstoï Anna Karénine. Or, ses études supérieures en France ne lui en ont pas donné la possibilité, que ce soit pendant son hypokhâgne A/L au lycée Lakanal ou à l’Institut d’études politiques de Paris: en effet, en France, les horaires et les modalités des cursus manquent parfois de souplesse. Il a fallu attendre son arrivée aux Etats-Unis, grâce à une bourse obtenue à Sciences Po Paris, pour qu’elle puisse s’inscrire en cours intensif de russe à la George Washington University basée à Washington DC. Un stage à la Chambre des représentants des Etats-Unis en lien avec l’Europe de l’Est, l’obtention d’un DULCO (diplôme en langue et civilisation) à l’INALCO et unen parallèle de ses études de droit à Sciences Po Paris et à l’université Paris I ont fini de constituer les deux composantes de son profil que Laurence Khashimov-Fara souhaitait mettre en valeur: le droit et le russe. Le tout couronné par une mission au sein du Haut Commissariat des réfugiés des Nations Unies à l’obtention d’une bourse pour aller étudier au MGIMO : le prestigieux Institut des Relations internationales de Moscou (2001-2002), expérience qu’elle qualifie d’extraordinaire et d’autant plus précieuse qu’à cette époque, peu de Français allaient étudier en Russie.

Plusieurs fois dans sa carrière de jeune juriste, Laurence Khashimov-Fara a été confrontée à la difficulté, en France, de trouver un travail malgré sa formation et son expérience déjà assez diversifiée. Elle tira néanmoins profit de cette situation pour se consacrer à d’autres projets. Pour continuer ses études tout d’abord: une année de thèse de doctorat en partenariat avec l’Ecole des Hautes études en Economie de Moscou (la « Vychka ») et une licence de russe à l’INALCO en France. Pour effectuer le voyage de ses rêves, traverser la route de la soie de Bichkek en Kirghizie à Istanbul en Turquie, en sac à dos et en autostop (backpacking) et en logeant chez l’habitant. Pour des missions d’observateur électoral pour l’OSCE en Moldavie et en Kirghizie en 2005 : une expérience passionnante, en pleine période de révolutions de couleur. Pour un projet avec l’association Mémorial, en Russie, dans le domaine des droits de l’homme. Enfin, dans le cadre d’un VIA, elle a occupé un poste d’attaché à la coopération à l’Ambassade de France en Ouzbékistan, pendant deux ans, heureuse de revenir en Asie Centrale.

Dans le cas de Laurence Khashimov-Fara, sa formation de germaniste en plus de la maîtrise du russe a joué un rôle très important. En effet, l’Allemagne est l’un des pays européens les plus présents en Russie et en CEI. Ainsi a-t-elle été recrutée par l’agence allemande de développement (GIZ) puis la société de conseil SCHNEIDER GROUP pour traiter des dossiers juridiques « russes » dans le secteur pétrolier, pendant deux trois ans pour des clients européens, asiatiques et américains.
De retour en France, Laurence Khashimov-Fara a créé en 2017 son propre cabinet à Marseille, spécialisé dans le droit des affaires (droit des sociétés, droit commercial, droit social et propriété intellectuelle) et des nouvelles technologies (marketing digital, contrats informatiques, e-réputation, cyber-sécurité, RGPD(3)). Elle travaille notamment avec des Russes, même s’il ne s’agit pas de l’essentiel de sa clientèle.

Selon Laurence Khashimov-Fara, il est vrai que les opportunités de travail avec la Russie dépendent partiellement du contexte international. En 20120 par exemple, la réélection prévisible de Vladimir Poutine pour son troisième mandat a entrainé la fermeture de plusieurs programmes de coopération entre la Russie et l’Europe.
La Russie réserve aussi de bonnes surprises. Ainsi, lorsqu’elle est revenue à Moscou en 2012, , Laurence Khashimov-Fara a pu assurer des fonctions de juriste d’affaires alors qu’elle n’avait pas encore obtenu le titre d’avocat en France : en Russie, sa formation de juriste et ses compétences suffisaient, il n’était pas nécessaire d’avoir passé le concours du barreau pour exercer le droit des affaires. Elle souligne l’intérêt des doubles masters franco-russes, comme le partenariat entre Sciences po Paris et le MGIMO de Moscou qui a déjà été évoqué plus haut, très bien construit, ou les doubles formations proposées à l’Université Paris X Nanterre (4).

Quelques mots ont été dits au sujet des sanctions économiques contre Moscou qui sont en vigueur depuis 2014. Ces sanctions ne touchent pas la totalité des échanges entre la Russie et la France, la coopération continue dans de nombreux domaines. Les sanctions sont un instrument politique fortement médiatisé en Europe et aux Etats-Unis. L’image de la Russie dans la presse française est souvent éloignée de la réalité des affaires et ne tient pas compte de la complexité de la Russie contemporaine. Dans les affaires, les Russes ont souvent les mêmes réflexes que les français. La Russie ne se réduit pas à la seule personnalité de Vladimir Poutine. Bien sûr, nous n’avons pas la même mentalité : les Russes ont tendance à faire tout au dernier moment, mais ils le font, il faut apprendre à décoder leur comportement sans arrogance et s’adapter à leur mentalité. L’intuitu personae est très important en Russie. Pour avoir une image plus juste du pays, Laurence Khashimov-Fara conseille de lire des publications d’Hubert Védrine (ancien ministre des affaires étrangères), celles de l’Observatoire franco-russe (5), de l’IFRI (Institut français des relations internationales) ou de l’IRIS (Institut de Relations internationales et stratégiques). Ces sources de qualité permettent d’aller au-delà d’un regard médiatique simpliste qui relève souvent d’une méconnaissance du pays ou d’incompétence.
Au cours de la discussion, Laurence Khashimov-Fara a mentionné plusieurs domaines porteurs pour la coopération franco-russe, à condition d’avoir les bons relais locaux, et pour cela il faut aller dans le pays et parler russe:

  • Les nouvelles technologies : l’impression en 3D, le high-tech (le centre de recherche de Skolkovo), l’intelligence artificielle, les algorithmes de référencement, les technologies numériques avec notamment un travail de mise aux normes dans le domaine des données personnelles, la contrefaçon et le piratage numériques ;
  • La santé : l’équipement des hôpitaux et la formation des personnels, les cliniques de soin, la recherche médicale (6) ;
  • L’industrie : remplacer les installations vieillissantes et mettre les chaines de production en conformité avec les normes environnementales, un grand défi compte tenu de l’échelle du pays et de la forte présence des industries d’extraction polluantes ;
  • La rénovation des infrastructures et la modernisation des paysages urbains, l’émergence des « smart-cities » : un bel exemple est Yandex-taxi (covoiturage, technologie alimentaire, développement de la technologie de véhicules autonomes) créé en 2011 ; Moscou est une ville qui souffre d’embouteillages et de nombreux projets de réaménagement urbains sont à l’étude ;
  • Le e-commerce, un phénomène relativement récent en Russie grâce au développement du secteur bancaire avec un immense potentiel de développement ; les services en ligne se généralisent dans de nombreux domaines (banque, services sociaux, téléphonie) ;
  • Le domaine maritime : apparition de plateformes pétrolières off-shore dans l’Océan glacial arctique (le groupe Bourbon) et navigation maritime (la société de transport maritime SNCM, le constructeur naval DCNS) ; sûrement de nouvelles perspectives suite à l’ouverture de la voie de navigation du Nord qui devient accessible toute l’année avec le réchauffement climatique ;
  • L’agroalimentaire : le contexte des sanctions économiques occidentales a poussé les Russes à investir dans certains secteurs de la production nationale, pour remplacer les produits (notamment alimentaires) naguère importés d’Europe : c’est l’apparition des versions russes des fromages mondialement connus (mozzarella, feta, camembert), le développement de la viticulture dans le sud de la Russie et en Crimée, l’ostréiculture (huitres), etc. Par ailleurs, le pays possède une réserve immense de terres arables sous-exploitées et a besoin d’équipements agricoles et de savoir-faire pour les valoriser.

En guise de conclusion, Laurence Khashimov-Fara incite les jeunes russisants à aller en Russie pour la découvrir véritablement, loin des clichés. « La Russie, il faut la vivre !!! » Il ne faut pas oublier non plus que le russe est également parlé dans de nombreux pays de l’ex-espace soviétique, ce qui peut offrir d’autres opportunités, notamment pour des stages (7).

Notes :

(1) Cette visio-conférence a été organisée par le lycée François 1er de Fontainebleau où le russe est également enseigné.
(2) Site du Club d’Affaires Provence-Russie-CEI : https://cap-r-cei.org
(3) RGPD : Règlement général sur la protection des données
(4) D’autres cursus en double diplomation sont proposés en France notamment à Paris, Bordeaux, Toulouse, Aix en Provence (consulter les sites universitaires pour plus d’information, en partie reprise sur le site de l’Association française des russisants https://www.afr-russe.fr/spip.php?article117).
(5) Voir la version française du site de l’Observatoire franco-russe : https://fr.obsfr.ru/
(6) Un exemple récent : les producteurs des vaccins anti-covid « Spoutnik V » (centre Gamaleïa, Moscou) et AstraZeneca (université d’Oxford, USA) ont conclu des accords en novembre 2020 pour des essais cliniques communs et un échange de procédés de fabrication.
(7) En plus des partenariats établis entre les écoles supérieures ou universités françaises et russes permettant de faire une partie de ses études en Russie, il existe des missions de détachement proposées par le Ministère des affaires étrangères et celui de l’Education nationale, mais aussi des stages ou des séjours linguistiques proposés par le Centre de Russie pour la science et de la culture à Paris : https://crsc.fr

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Conférence de janvier 2020

En janvier 2020, nos élèves russisantes ont eu la possibilité d’assister à la conférence « Le russe dans le monde professionnel » dont l’objectif était de mettre en lumière quelques exemples d’opportunités que la maîtrise de la langue russe peut leur offrir dans les années à venir. Cet événement avait été coorganisé en partenariat avec le lycée de La Tour, à Paris, où le russe est également enseigné, sous l’égide de l’Association française des Russisants (AFR). Cette conférence publique était ouverte à tous les élèves de russe des lycées de Paris et d’Île-de-France, de leurs professeurs et parents, et a réuni près de 200 personnes. En plus des élèves du lycée Sainte-Marie de Neuilly et du lycée de La Tour, ceux de nombreux autres établissements se sont déplacés : des lycéens d’Henri IV, Saint-Michel de Picpus, Jules Ferry, Henri Barbusse, Voltaire, Colbert, Jean-Baptiste Say, La Fontaine, Claude Monet, Janson de Sailly, Montaigne, Edith Piaf et Louis le Grand pour Paris, des élèves du collège Raymond Queneau, sans oublier ceux venus du lycée Madeleine Daniélou à Rueil, du lycée Pasteur à Neuilly, du lycée Talma à Brunoy, et même des étudiants de Paris II Assas ou de l’ESTP. La préparation et la coordination étaient assurées par Mme Elena Jourdan, professeur de russe à Sainte-Marie de Neuilly, avec le précieux soutien du lycée de La Tour qui a généreusement accueilli les participants dans son magnifique auditorium, et grâce à l’investissement du professeur de russe du lycée Mme Svetlana Buée. Cette initiative a été soutenue par notre Ministère de tutelle en la personne de M. François Laurent, Inspecteur général de russe, qui a adressé une brève allocution vidéo aux participants.

La conférence s’est déroulée autour de cinq intervenants qui ont gracieusement accepté de venir partager avec les jeunes leurs expériences professionnelles, dans divers domaines, d’abord en séance plénière, puis dans un cadre plus informel, autour d’un buffet.
Mme Catherine Haas, directrice commerciale des agences Tsar Voyages, a insisté sur la diversité des métiers et des compétences sollicités dans le cadre des activités de tourisme, que ce soit en France ou en Russie, dans la conception des circuits, la mise en œuvre des projets ou leur accompagnement logistique et humain. Comme dans de nombreux autres secteurs, la compétence linguistique est souvent associée à d’autres savoir-faire et n’est qu’une composante d’un profil recherché, mais même annexe, elle apporte une meilleure compréhension des réalités du terrain et une justesse d’appréciation qui font la différence. Catherine Haas a notamment rappelé l’existence d’une formation hôtelière associée à la maîtrise du russe à l’université d’Angers.

Mme Nathalie Lazuech (professeur à Sainte-Marie de Neuilly) a partagé sa longue et riche expérience de travail en Russie en tant que consultante en ressources humaines auprès de plusieurs entreprises françaises, pour les accompagner dans leur insertion sur le marché russe et dans le développement de leur implantation sur l’ensemble du territoire. Sa connaissance précise du terrain et du mode de vie des Russes, illustrée par des exemples de vécu souvent hauts en couleurs, ont apporté un éclairage édifiant sur l’importance de la prise en compte de l’histoire d’un pays et de la mentalité d’un peuple pour bâtir un partenariat de qualité. Nathalie Lazuech a complété son propos en citant de nombreuses entreprises françaises présentes en Russie et en donnant quelques exemples de domaines à fort potentiel de développement, notamment le secteur agricole et agroalimentaire : les équipements mécaniques et les compétences d’agronome étant précieux dans un pays riche en terres cultivables et en zones climatiques variées. Ce propos a d’ailleurs été confirmé par Frédéric Bélot qui a cité un exemple de carrière flamboyante dans le domaine viticole.

Me. Frédéric Bélot, avocat au barreau de Paris, avocat d’honneur de la Russie et représentant de plusieurs grands groupes russes en France, a apporté un précieux témoignage sur le rôle essentiel que peut jouer la maîtrise d’une langue dans le domaine qui est le sien. Parler russe présente en effet un atout considérable pour construire une relation de confiance avec ses interlocuteurs, y compris avec l’ambassade de Russie et autres représentants de l’Etat russe, sans passer par des intermédiaires. Cette relation privilégiée est tout aussi importante que la maîtrise purement technique des dossiers. Frédéric Bélot a ensuite fait profiter l’assistance de sa vaste connaissance des cabinets d’avocats d’affaires russes tout en rappelant que la maîtrise de cette langue ouvre également les portes des pays de l’ex-espace soviétique, tels que l’Ukraine, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, sans oublier certains pays désormais membres de l’Union Européenne comme la Lettonie. Enfin, il a qualifié la Russie de « terre d’opportunités » et cité quelques secteurs d’excellence : les traditionnelles ressources naturelles bien sûr, mais aussi les technologies numériques telles que l’intelligence artificielle.

En présentant son parcours, Mlle Eva Seye, titulaire d’un Master 1 en géopolitique à l’ICP ayant appris le russe au collège-lycée Marie Curie et au lycée Lakanal à Sceaux, a mis en valeur l’importance des contacts directs avec les pays russophones pour approfondir la connaissance de la langue qui devient alors un véritable atout. Ainsi l’a-t-elle propulsée vers la découverte d’aires géographiques en pleine mutation (Ukraine, Géorgie, Arménie) en lien avec des enjeux géopolitiques qui évoluent (interaction UE-Eurasie dans le cadre du « partenariat oriental »), au croisement de domaines de compétence très différents (géographie, défense et coordination militaire, diplomatie, affaires économiques, veille des media, projets humanitaires). En évoquant son expérience géorgienne, Eva Seye a souligné que le russe, même si c’était de moins en moins la langue maternelle des habitants de ce pays de l’ex-espace soviétique, continuait à être appris et parlé par les jeunes Géorgiens pour répondre à la forte demande du secteur touristique largement alimenté par la Russie et d’autres pays russophones malgré les aléas de la situation politique.

Mme Caroline Jeannin-Apra (une ancienne russisante de Sainte-Marie), neurochirurgienne, a évoqué quant à elle les expériences enrichissantes que la maîtrise du russe lui a permis de vivre dans le cadre de sa formation. Bien décidée à continuer la pratique du russe tout au long de ses études de médecine, elle a saisi des occasions de stages à l’étranger prévues dans le cursus pour mettre en place elle-même des stages en milieu hospitalier à Irkoutsk et à Kirov. L’existence de missions gouvernementales françaises en Russie lui a offert une autre opportunité pour créer des contacts avec le pays en partageant le savoir-faire français (elle cite l’exemple d’un projet autour de la prévention du Sida). Grâce à sa maîtrise du russe, Caroline Jeannin-Apra a également été sollicitée pour une mission humanitaire en Moldavie, pour être en contact avec des ambulanciers locaux. Enfin, l’invitée a aussi évoqué la tenue régulière en Russie de congrès en médecine de niveau international, et la possibilité pour des médecins français de travailler dans la ville de Moscou riche de son réseau de cliniques réputées. Pour conclure, elle a insisté sur l’aspect psychologique important de la maîtrise de la langue pour travailler avec la patientèle russophone, que ce soit en Russie ou dans les hôpitaux parisiens qui accueillent régulièrement ce type de patients.

Plusieurs intervenants ont souligné le fait que dans leur parcours, le russe n’était ni au cœur de leur formation, ni objet d’un apprentissage continu. Il faut en effet parfois faire preuve de persévérance pour continuer à apprivoiser et à pratiquer cette langue : dans le cadre de stages universitaires, de séjour linguistique d’été ou de voyages touristiques privés, ou en reprenant des études de langue, parfois après plusieurs années d’interruption. Mais tous convergent sur un point : il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir l’impression d’être bilingue, sentiment très subjectif après tout, pour se lancer et saisir l’occasion de partir sur le terrain qui sera toujours la meilleure façon le progresser véritablement.

Une autre idée mise en valeur dans plusieurs interventions et à travers divers exemples cités, est celle que le russe sert d’ « accélérateur de carrière » pour un jeune qui débute et qui s’expatrie en Russie : la formation et surtout le savoir-faire français y sont valorisés et permettent parfois d’accéder beaucoup plus vite à des postes à responsabilités et de bénéficier l’une évolution professionnelle. Actuellement, de nombreuses entreprises françaises qui avaient investi le marché russe dans les années 2000, souffrent beaucoup du contexte politique international et des sanctions contre la Russie ; les Russes se tournent de plus en plus vers l’Asie, et les Français perdent du terrain. Mais les jeunes Français qui apprennent le russe d’aujourd’hui, et qui sont rares à maîtriser cette langue en France, seront opérationnels dans 15-20 ans : il faut qu’ils soient tournés vers cet avenir pour changer les choses et bénéficier pleinement de cet atout qu’est le russe. Et il ne s’agit pas uniquement de Moscou et Saint-Pétersbourg, car il ne faut pas oublier que la Russie compte 13 villes de plus d’un million d’habitants qui se développent vite, et que les campagnes russes offrent d’immenses espaces à exploiter.

Malheureusement, un empêchement de dernière minute n’a pas permis à M. Marc Eline, maître de conférences à l’Université de Paris II Assas, de se joindre aux autres intervenants pour évoquer son expérience d’attaché commercial à l’Ambassade de France à Moscou ainsi que ses responsabilités de directeur d’activités de banque d’affaires. Son témoignage sur les spécificités des marchés émergents, l’accompagnement des investissements et des acquisitions dans des secteurs d’activité stratégiques et fortement concurrentiels étaient de nature à compléter le tableau dressé par les autres invités.
Dans le cadre de la préparation de la conférence, deux témoignages vidéo ont été enregistrés à destination des élèves russisants. Ces deux témoignages supplémentaires apportés par de jeunes diplômés illustrent une nouvelle fois la valeur ajoutée que la maîtrise du russe confère à un parcours universitaire, et ce, dans des domaines très divers et souvent éloignés des études à dominante linguistique.

M. Adrien Mercat (un ancien élève de La Tour) évoque son cursus en sciences politiques en double diplomation avec l’Université McGill, à Montréal, et ses trois stages en Russie, au sein d’une entreprise d’import-export de produits de luxe à Moscou, ou dans le secteur bancaire, dans une filiale russe de la Société Générale. Après avoir bénéficié d’un programme d’échange avec le prestigieux Institut de relations internationales MGIMO, il effectue actuellement une mission à Tbilissi, en Géorgie, en prenant part à l’élaboration de projets d’éducation pour les minorités ethniques au sein d’une agence internationale américaine.

Mlle Irène Apra (une ancienne élève de Sainte-Marie) fait part, quant à elle, de son travail de recherches effectué à Moscou dans le cadre de la rédaction de son mémoire de Master 1 d’architecture sur le thème de réaménagement des sites industriels de l’époque soviétique, touche d’originalité très appréciée par le jury. La participation à des workshops à Moscou et à Irkoutsk lui a permis de mettre en pratique ses compétences au sein d’équipes internationales en proposant des projets d’urbanisation.
Les enseignants qui souhaitent projeter ces deux témoignages vidéo à leurs élèves russisants dans le cadre d’un cours, peuvent en faire la demande par mail : smn.russe@gmail.com.

Nous espérons que ces témoignages auront confirmé les jeunes russisants dans leur volonté de poursuivre l’étude de cette langue, que ce soit dans le cadre de leurs études supérieures ou à travers des stages ou voyages en Russie et dans d’autres pays russophones. Pour les accompagner dans cette démarche, le site de l’Association française des russisants met à leur disposition une liste non exhaustive d’organismes permettant de continuer à apprendre cette langue, ainsi que celle d’universités proposant des cursus avec le russe. Vous pouvez y trouver également d’autres témoignages  sur l’utilisation de cette langue dans le monde professionnel. Enfin, il est possible de consulter le bref compte rendu d’une conférence similaire organisée à Sainte-Marie en 2015  et d’une autre proposée aux élèves russisants de Bordeaux en 2010 .

Compte rendu établi par Elena Jourdan