S’éduquer, découvrir, se mobiliser
Model European Parliament Budapest 9 -19 avril 2016

 

Le MEP ce printemps se tenait à Budapest. Par rapport à Berlin où avait lieu le MEP l’automne dernier, le poids de l’Histoire s’y fait moins immédiatement sentir ; il faut humer la ville, arpenter ses rues pour deviner à mille détails qu’ici aussi elle aura pesé de tout son poids. La présence turque n’est plus qu’un souvenir même s’il reste des lieux comme les bains Kiral, figés dans leur patine du XVII° siècle. Le défunt empire austro-hongrois est pour sa part omniprésent avec une architecture apparentée à celle de Vienne, de style classique ou Sécession. L’empreinte de la communauté juive anéantie pendant la guerre est toujours visible dans une partie de ces constructions.

De l’époque de la guerre restent les « storpelsteine », des pavés de bronze qu’un artiste allemand, Gunter Demnig, incruste dans le trottoir devant les bâtiments où résidaient des juifs disparus pendant le conflit ; y figurent le nom des juifs qui vivaient là, la date de leur arrestation ou déportation et celle de leur mort ; à Budapest, les premiers ont été posés en 2007. Alors que le gouvernement Orban s’emploie à réhabiliter le régime de l’Amiral Horthy et à présenter la Hongrie avant tout comme une victime, du traité de Trianon qui démembre la Hongrie puis de l’URSS qui satellise le pays en 1945, ces pavés sont autant de rappels nécessaires. Seule trace visible près du parlement des débats qui agitent aujourd’hui la Hongrie sur ce passé, des chaussures posées sur le quai du Danube en contrebas du bâtiment ; c’est un mémorial pour les juifs que les Croix Fléchés obligeaient à se déchausser avant de les fusiller. Les Croix Fléchées, les nazis hongrois, prennent le pouvoir à Budapest à l’été de 1944, mais leur action a été anticipée et préparée par la politique du régent Horthy.

Les déléguées qui participaient au MEP ont pu mesurer certaines des réalités politiques du présent. Membre de l’UE depuis 2004, la Hongrie a massivement bénéficié des transferts financiers de Bruxelles et des investissements qui ont alimenté la croissance du pays tout comme la rénovation de son patrimoine urbain. Elle refuse cependant toute solidarité avec le reste de l’UE face à la crise des migrants et elle en sape même les fondements démocratiques. L’Assemblée Générale du MEP avait lieu dans la chambre de députés du parlement hongrois ; au pied de la tribune était dressé le drapeau hongrois ; à l’entrée de la salle, des soldats assuraient la garde d’honneur de la couronne de Saint Etienne ; il manquait cependant un symbole dans cette enceinte : le drapeau européen. Les autorités hongroises ont refusé que les responsables du MEP y introduisent le drapeau bleu frappé des étoiles ; au parlement du land de Berlin, l’hymne européen avait retenti à l’occasion du MEP ; à Budapest rien de tel.
Le MEP est une leçon de démocratie et une leçon de politique, sous les formes les plus diverses, Budapest n’aura pas manqué de le démontrer.

Pierre-Marie Imbert, professeur d’Histoire-Géographie